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L’Italie demeure une destination emblématique alliant vin, art et tourisme. De nombreux domaines explorent aujourd’hui des façons inédites de combiner ces trois univers pour enrichir l’expérience des visiteurs.
Article - 25 août 2025

Laura Catena ©Catena-Zapata Laura Catena ©Catena-Zapata

La méfiance des consommateurs envers le marketing écologique n’a rien d’étonnant. Ceux qui aiment le vin ou les spiritueux recherchent avant tout une boisson authentique, savoureuse, sans additifs, produite avec éthique et proposée à un prix juste. Cette attente, simple et légitime, se heurte pourtant à un discours technique souvent opaque. À force d’évoquer la biodynamie, la durabilité ou encore l’agriculture régénérative, on finit par éveiller la suspicion plutôt que la confiance. Peu de consommateurs disposent du temps ou des repères nécessaires pour comprendre ce que signifient réellement ces termes dans le monde du vin.

Je me souviens d’avoir tenté, un jour, de convaincre un grand critique de vin des bienfaits de la certification durable. Je lui ai raconté les efforts menés depuis des décennies par les producteurs argentins, qu’ils soient petits ou grands. Allègement des bouteilles, amélioration de la captation du carbone dans les sols, réduction des intrants chimiques, économie d’eau, protection de la biodiversité, renforcement des communautés rurales : tout un travail de fond, collectif et engagé. À l’issue d’une longue conversation, il m’a quittée en souriant, simplement en disant que la durabilité était une affaire de rentabilité, et que ses lecteurs ne s’intéressent qu’à une chose : savoir si un vin est biologique.

Formée à la biologie et à la médecine aux États-Unis dans les années 1990, j’ai longtemps partagé mon temps entre la médecine d’urgence en Californie et le projet de mon père : hisser le vin argentin au plus haut niveau international. Très vite, j’ai compris que copier les méthodes appliquées en France, en Californie ou en Australie n’était pas la solution. Notre contexte est unique. La plupart de nos vignes sont cultivées en altitude, issues de sélections massales non clonées, et non greffées. Dans les années 1990, notre cépage phare, le Malbec, avait presque disparu du reste du monde.

C’est en 1995 que j’ai fondé le « Catena Institute of Wine » avec une ambition à long terme : faire progresser le vin argentin pour les deux siècles à venir. Nous avons choisi de mettre la science au service de la nature et de la culture. Nos recherches sont publiées dans des revues scientifiques et menées en collaboration avec des institutions en Argentine, en Espagne, en France et en Californie. En 2025, notre travail a été reconnu par l’attribution d’un trophée lors de la cérémonie des Vd’Or, décerné par Vinexposium pour notre contribution à la durabilité.

À mes yeux, la durabilité ne se résume pas à un label. C’est une responsabilité : celle de transmettre à la prochaine génération une terre au moins aussi vivante et fertile que celle que nous avons reçue. Pour cela, plusieurs principes me paraissent essentiels.

D’abord, se méfier des effets de mode. Il y a souvent une sagesse silencieuse dans les pratiques des générations précédentes. Ensuite, quelle que soit la taille du domaine, il est crucial de développer une démarche de recherche adaptée à son terroir. Personne ne connaît un vignoble mieux que celui qui le cultive.

La collaboration, même entre concurrents, est une force. Elle peut être internationale, comme notre engagement dans l’initiative mondiale visant à alléger les bouteilles, ou locale, par exemple lorsqu’il s’agit de défendre la place du vin face aux lobbys anti-alcool. Il est aussi fondamental de devenir expert des formes de biodiversité qui concernent directement son environnement. Pour nous, cela signifie préserver les sélections massales, étudier le microbiome des sols, protéger les eaux andines et maintenir de vastes couloirs écologiques.

Enfin, il est indispensable de transmettre ces connaissances à ceux qui présentent nos vins au public, dans les équipes commerciales et dans l’hospitalité. Ils sont les passeurs de sens de nos pratiques agricoles.

Je tiens également à lancer un appel en faveur de la science. En tant que médecin et scientifique, je me dois de défendre une lecture rigoureuse des données sur la consommation d’alcool et la santé. Chez les personnes de plus de quarante ans, la consommation modérée d’alcool n’est ni un remède miracle ni un poison : elle est neutre sur le plan de la santé, les bénéfices et les risques tendent à s’équilibrer. Pour contribuer à une information fiable, j’ai créé le site www.indefenseofwine.com.

Nous ne devons pas laisser les discours extrêmes, qu’ils soient politiques ou idéologiques, éclipser une réalité simple et précieuse : le vin, lorsqu’il est partagé autour d’un repas, entre amis ou en famille, reste l’un des grands plaisirs de la vie.